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Les communautés du Burkina Faso utilisent le journalisme mobile comme outil de plaidoyer

Au Burkina Faso, le programme Right2Grow a initié les OSC et les membres des groupes de plaidoyer de ses régions d'intervention à l'utilisation du journalisme mobile (MOJO). Pour le programme Right2Grow, le MOJO représente un outil de plaidoyer puissant entre les mains des OSC. Il ravive leur capacité à présenter efficacement les réalités de leurs localités, à sensibiliser, dénoncer ou contester les bonnes pratiques nutritionnelles, WASH et la sécurité alimentaire.
Le MOJO a été présenté par le biais d'une série de formations théoriques et pratiques et de coaching sur différentes compétences, y compris mais sans s'y limiter, les techniques de prise de vue et de son ainsi que le montage vidéo à l'aide de smartphones.

Après l'une des formations sur l'utilisation du MOJO, notre équipe Right2Grow a rencontré l'un des participants, Laurent Kinda. Laurent est un membre du groupe de plaidoyer dans la province de Bam. Il a utilisé les connaissances et les compétences acquises lors de cette formation pour produire une vidéo d'arrestation. Dans les lignes qui suivent, il nous raconte sa journée de tournage et l'impact de sa vidéo...

Il est presque midi, en ce jour d'octobre 2022, dans le quartier Nakombgo de Kongoussi, une ville située dans la région du Centre-Nord du Burkina Faso. A cette heure de la journée, le soleil est déjà au zénith et la chaleur devient progressivement suffocante lorsque Laurent Kinda, membre du Groupe de plaidoyer de la province du Bam, arrive à l'espace réservé dans son quartier, transformé de force en décharge à ciel ouvert. Une forte odeur d'ordures en décomposition est perceptible à une centaine de mètres. C'est là qu'il a rendez-vous avec un notable de la ville pour une interview qui servira à produire une capsule MOJO. Soigneusement, Laurent vérifie une dernière fois son matériel de travail. Le smartphone est bien chargé, et la fiche technique soigneusement remplie. Il prend quelques clichés pour s'assurer que tout est en ordre, puis fait quelques pas pour localiser le lieu. Après 5 minutes de ronde, il choisit enfin le lieu de l'interview. Pour le journaliste du jour, ce choix est important pour le sujet qu'il veut traiter. En effet, Laurent veut s'assurer d'éviter les interférences tout en ayant un léger son d'ambiance en fond sonore. Vers midi, son invité arrive, Laurent le briefe rapidement, puis s'installe pour que l'interview commence.

L'interview porte sur la gestion des déchets ménagers dans la ville de Kongoussi. Il s'agit de faire un état des lieux pour identifier le problème, à qui incombe la responsabilité, quelles sont les solutions possibles et quelles sont les actions de plaidoyer à mener pour que la ville soit assainie.
"J'ai constaté qu'il y a plusieurs tas d'ordures déversés devant les concessions et les espaces réservés au sein des quartiers de la ville. Les enfants font leurs besoins au milieu de la route ou à proximité des concessions. L'odeur qui s'en dégage est gênante. C'est une situation qui n'est vraiment pas normale, surtout quand la mairie a déjà passé un contrat avec des prestataires pour la collecte des déchets ménagers. Je savais qu'il fallait agir pour aider la municipalité. Il n'y avait pas de meilleur outil à utiliser que de produire une capsule MOJO pour interpeller les acteurs, notamment la mairie", raconte Laurent.
Pour préparer la production de sa capsule MOJO, Laurent explique qu'il a réuni quelques prérequis.
"A l'aide de ma fiche technique, j'ai identifié le problème. Je me suis posé les bonnes questions pour bien aborder le problème sans frustrer personne ; cela m'a permis de définir clairement mon angle de traitement. J'ai pris des contacts et identifié les personnes qui pourraient accepter de témoigner, d'assumer ou d'indexer la responsabilité de ceux qui ne jouent pas pleinement leur rôle. C'est dans ce contexte que j'ai rencontré le Chef coutumier de Kongoussi qui a donné son accord et un notable a été désigné pour répondre à mon interview", explique-t-il.

Donner la parole à l'autorité...
Pour équilibrer le traitement de son rapport, Laurent est allé rencontrer l'autorité municipale. Il dit avoir été dirigé vers le département de l'eau, de l'hygiène et de l'assainissement où il a expliqué la vision des groupes de défense et l'objectif de la vidéo.
"Nous avons pu interviewer le point focal de l'eau, de l'hygiène et de l'assainissement et le responsable de l'assainissement à Kongoussi. Ce fut un réel plaisir car nous avons pu prendre connaissance de la situation de ce dernier et recueillir ses propositions. Il était ravi de notre démarche, qu'il a qualifiée d'activité citoyenne et a reconnu la responsabilité de son département sur la question. Il a l'habitude de rencontrer des projets et des ONG mais n'avait jamais reçu un citoyen dans ses bureaux pour discuter des problèmes d'insalubrité de la ville. Ces mots m'ont réconforté et m'ont fait savoir que mon initiative était bonne", dit Laurent.

Impactez sa communauté...
La vidéo finale a été partagée avec l'autorité municipale, les organisations de la société civile de Kongoussi et les prestataires de services chargés de la collecte des déchets urbains. Ils ont pu connaître l'expérience et l'opinion de la communauté sur la mauvaise hygiène et les solutions proposées par les acteurs pour mieux nettoyer la ville. L'aspect important pour Laurent est la prise de conscience de sa communauté. Il explique que le groupe de plaidoyer a pu interpeller et sensibiliser à travers la vidéo de MOJO et a senti de l'amertume sur les visages de ceux qui ont regardé sa vidéo, car chacun a pu voir sa responsabilité.
"En voyant le notable parler du manque d'hygiène, beaucoup de gens se sont sentis interpellés. Ensuite, le service de collecte a pu voir que malgré leurs actions, il n'y avait pas assez de changement dans la ville", explique Laurent avec une pointe de satisfaction.
Selon lui, l'un des résultats immédiats de sa vidéo est l'engagement général des habitants de son quartier à avoir une poubelle dans chaque foyer, malgré leurs moyens financiers modestes. Une bonne volonté s'est également proposée de contribuer à l'amélioration de l'état sanitaire de la ville.

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